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Juridique

Exigibilité des loyers durant la fermeture administrative : Une première décision de justice

Le tribunal judiciaire de Paris acte en faveur des bailleurs

Litige intéressant que celui tranché le 10 juillet dernier par le tribunal judiciaire de Paris. Le cas pose la problématique suivante : un restaurateur, qui a dû fermer son commerce en raison de l’état d’urgence sanitaire et du confinement, peut-il arguer de la période juridiquement protégée pour refuser de verser les loyers échus ?

Bref résumé des faits :

  • du 14 mars au 2 juin 2020, les cafés-restaurants sont fermés ;
  • le bailleur demande le paiement intégral du loyer du 2e trimestre 2020, par voie de compensation avec une somme qu’il devait au locataire ;
  • le locataire s’y oppose ; il ne se prévaut ni de la force majeure ni d’un manquement du bailleur à ses obligations, mais allègue de la suspension de l’exigibilité du paiement des loyers pendant de la période dite juridiquement protégée, par l’article 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020.

Le sujet principal à trancher portait donc sur l’interprétation de l’article 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020. Il est vrai que l’interprétation de ce texte a donné du fil à retordre tout au long de l’état d’urgence sanitaire. Ici, il s’agissait donc de savoir si cet article justifiait la suspension de l’exigibilité de loyers commerciaux.

Plusieurs passages de la motivation des juges du fond sont à relever, d’abord sur l’interprétation de deux articles :

  • « l’article 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 a pour effet d’interdire l’exercice par le créancier d’un certain nombre de voies d’exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, mais n’a pas pour effet de suspendre l’exigibilité du loyer dû par un preneur à bail commercial dans les conditions prévues au contrat, qui peut donc être spontanément payé ou réglé par compensation» ;
  • « selon l’article 1134 devenu 1104 du Code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il résulte que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives».

Ensuite, sur les particularités de ce cas :

  • « le bailleur adresse au preneur la facture du loyer du 2e trimestre 2020, conforme aux stipulations contractuelles, et lui propose, au regard de la fermeture administrative des restaurants et pour soulager sa trésorerie, de ne pas payer son loyer par trimestre d’avance, mais par mensualités à terme à échoir, et de reporter l’exigibilité du loyer d’avril 2020 à la réouverture des restaurants » ;
  • « le preneur indique au bailleur que la proposition de report du loyer d’avril 2020 est inacceptable, se référant aux positions développées par son syndicat professionnel préconisant la suppression totale des loyers et charges rétroactivement à compter du 15 mars 2020 et jusqu’à la réouverture des restaurants ».

La conclusion des juges est la suivante :

« le bailleur n’a pas exigé le paiement immédiat du loyer et des charges dans les conditions prévues au contrat mais a proposé un aménagement, et le preneur n’a jamais formalisé de demande claire de remise totale ou partielle des loyers et/ou charges dus, ni sollicité d’aménagement de ses obligations sur une période bien déterminée ». De ce fait, « il sera donc considéré que le bailleur a exécuté de bonne foi ses obligations au regard des circonstances, que la somme totale de 224.732,37 euros est donc due par la société X qu’elle est fongible, liquide, exigible et certaine ».

Par ailleurs, il est intéressant de souligner que les magistrats rappellent que le bailleur « subit les conséquences économiques de l’état d’urgence sanitaire dans les mêmes proportions que son preneur dont les besoins sont donc équivalents ».

Ainsi, il faut retenir de cet arrêt que :

  • l’article 4 interdit l’exercice de voies d’exécution forcée, mais ne suspend aucunement l’exigibilité des loyers ;
  • les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce qui implique que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives.

Bonne nouvelle pour les bailleurs, mais il nous hâte qu’une juridiction du fond se penche sur un cas où le preneur se défendra en faisant valoir la force majeure ou l’exception d’inexécution relative à l’obligation de délivrance du bailleur.

 

Sources :

>> Lire le communiqué de presse (du 15 juillet 2020)

>> Consulter la décision de la 18ème chambre du TJ de Paris (du 10 juillet 2020)

 

Alexis HINGANT
Dirigeant-Associé
06.11.28.75.64
ahingant@condate.fr


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