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Juridique

Droit de préemption du locataire commercial : Des précisions sur le champ d’application

Une réponse ministérielle apporte des précisions sur le champ d’application

 

Une réponse ministérielle publiée le 22 avril 2021, apporte des précisions sur le champ d’application du « droit de préférence » (aussi appelé droit de préemption) reconnu aux locataires commerciaux, lorsqu’un bailleur décide de mettre en vente ses locaux loués sous bail commercial.

 

Quelques rappels :

 

La loi Pinel du 18 juin 2014 précisant aux termes de l’article L-145-46-1 du Code de commerce permet au locataire d’un local à usage commercial ou artisanal, bénéficiant d’un bail commercial, de l’acquérir lorsque le bailleur envisage de le vendre. Ce texte a institué à ce titre un droit légal de préférence au locataire. La Cour de cassation précisant que l’article L. 145-46-1 du Code de commerce s’applique à toute cession conclue après le 18 décembre 2014 (Cass. Civ. 3ème 12/11/2020 n°19-16927). Le texte donne l’obligation au bailleur, lorsqu’il envisage de vendre, d’informer le locataire des conditions et modalités de la vente. Il est nécessaire de respecter un formalisme pour permettre au locataire d’exercer son droit de préférence.

 

Formalités d’application :

 

Lorsque le propriétaire du local commercial envisage de vendre, il doit informer le locataire de cette décision par lettre recommandée AR ou remise en mains en propres, en précisant le prix et les conditions de cession. Cette lettre vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour exercer son droit de préemption. Vous pouvez retrouver ici les précisions détaillées de l’ensemble des modalités à respecter.

Dans plusieurs cas de figure le droit de préférence ne s’applique pas. Il en va notamment dans les cas suivants :

  • Cession par un bailleur à un proche (cercle familial),
  • Cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial,
  • Cession unique de locaux commerciaux distincts,
  • Cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial,
  • Cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux.
  • Cession dans le cadre d’une vente aux enchères publiques (Cass. 3ème civ. – 17/05/2018 – n°17-16113)

 

A contrario, la cession d’un ensemble de lots de copropriété comprenant des lots à usage commercial ou artisanal ouvre droit à l’exercice du droit de préemption par le locataire commercial ou artisanal pour les seuls lots qu’ils occupent. (Exemple : vente de locaux commerciaux accompagnés d’une vente d’un appartement, d’une cave ou d’un grenier au sein d’un même immeuble, sans pour autant former un immeuble en bloc)

 

Précisions importantes :

 

En 2018, le texte a été jugé « d’ordre public » (Cass. 3ème civ. – 28/06/2018 – n°17-14605). Le droit légal de préférence ne peut être écarté par une clause contraire qui pourrait être inscrite dans un bail commercial. En clair, cela signifie que toute clause d’un bail commercial mentionnerait la renonciation du preneur à en bénéficier serait considéré nulle.

 

Les nouveautés du champ d’application :

 

Par une réponse ministérielle (n°21155 – page 2702) publiée dans le JO du Sénat le 22 avril 2021, le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance a apporté des précisions sur le droit de préférence du locataire commercial institué par l’article L145-46-1 du Code de Commerce :

  • Le droit de préférence étant une limite à l’exercice du droit de propriété, les conditions d’exercice doivent connaître une interprétation stricte; seul le titulaire d’un bail portant sur un local commercial ou artisanal peut en bénéficier, le droit de préemption ne s’applique donc pas aux bureaux, aux entrepôts ou aux parkings.
  • Si le locataire est une société, le droit légal de préférence lui revient, et ne peut bénéficier individuellement à un actionnaire, un dirigeant ou un salarié.
  • Les sous-locataires, les occupants à titre précaire (notamment ceux dont le bail a été résilié, mais qui occupent encore les lieux contre le versement d’une indemnité d’occupation ou qui les occupent à titre gratuit) et les usufruitiers ne sont pas inclus dans le bénéfice de ce droit.
  • L’exercice de l’activité doit être effectif : le locataire qui a déclaré la cessation de son activité ne saurait, en principe, se prévaloir, de ce droit postérieurement à la cessation de cette activité.
  • Le droit de préférence ne couvre pas les lots ayant d’autres usages que l’usage commercial ou artisanal, si l’activité exercée s’est transformée et que l’usage a une nature autre qu’artisanale ou commerciale, il paraît difficile de se prévaloir de ce droit.

 

Enfin, il est précisé concernant l’exemption du dispositif du droit de préférence en cas de cession globale d’un immeuble comprenant un ou des locaux commerciaux : « En vertu du même principe d’interprétation stricte des limites aux conditions d’exercice d’un droit de propriété, le législateur ayant visé spécifiquement la vente d’un local à usage commercial ou artisanal et non la vente globale d’un immeuble pouvant inclure des locaux commerciaux, le propriétaire paraît libre de procéder à la vente globale de l’immeuble. Une interprétation contraire l’obligerait à procéder à une vente par lot contre sa volonté d’effectuer une vente globale, pour satisfaire une obligation vis-à-vis du preneur d’un lot mis à bail ».

 

Cette interprétation serait une atteinte disproportionnée aux conditions d’exercice du droit de propriété du bailleur, et donnerait au locataire un pouvoir de blocage. Si la jurisprudence ne confirmait pas cette interprétation, il appartiendrait au législateur de préciser le texte dans ce sens.

 

Le droit de préemption du locataire commercial n’est donc pas absolu, il est nuancé par des exemptions à prendre en compte au moment d’envisager la vente d’un local à usage de commerce loué sous bail commercial. Les pouvoirs publics confirment que le texte du Code de commerce doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Le droit légal de préférence est cantonné, et peut/doit être écarté dans de nombreux cas.

 


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